BIG BROTHER, TOI-MÊME
Avant,il y avait Dieu, Allah, Yahvé. Avant il y avait la Stasi, le NKDV et autres services de surveillance généralisée. Avant il y avait dans un monde imaginé, Big Brother. Tous savaient tout de nous, de nos faits et gestes, de nos pensées, de nos préférences ou de nos engagements. A certains plus bienveillants que d'autres, on pouvait adresser des prières ou se confesser. D'autres par la surveillance totale et concrète de nos vies ne pouvaient qu'instiller la terreur dans nos existences. Certains imposés par des religions et le besoin de spiritualité de l'homme essayaient de contrôler nos pulsions et notre moralité. Les autres imposés par des régimes politiques totalitaires pour contrôler les corps et les esprits de leur population nous surveillaient comme des criminels.
Aujourd’hui
Dans nos pays démocratiques, nombre d'entre nous ont faussé compagnie à la surveillance divine et ne sont pas, du moins à l'heure actuelle, soumis au contrôle permanent des dictatures autocratiques. Et pourtant... Une entité (cosmique ? ) continue à savoir presque tout de nous. A la différence des systèmes étatiques, c'est nous-mêmes qui alimentons cet être omniscient avec des échantillons de nos vies à travers des confessions journalières. Notre intermédiaire ? Pas un confessionnal ou une salle d'interrogatoire, mais un appareil que nous trimballons partout, souvent vissé à notre main. Vous voyez de quoi je parle ? Photos, vidéos, achats, déplacements, goûts, prises de position, pensées, maladies... notre smartphone enregistre tout et l'expédie suivant la volonté de nos pouces, ou pas, vers d'autres destinataires plus ou moins choisis. A travers ce journal non intime de nos êtres, nous offrons à la nébuleuse du Net une ingérence dans nos existences.
Entités réactionnaires ou manipulatrices, les Meta, X, TikTok, WhatsApp, nous influencent, nous maintiennent à travers leur bulle de filtre dans un schéma de pensée, nous exploitent mercantilement à l'aide d'espaces publicitaires qui vont grâce à des algorithmes de recommandation dans le sens de nos attirances. On sait tout de nous nous savons tout des autres et ce carrousel infernal nous entraîne au mieux dans une spirale de curiosité parfois source de communication, au pire dans des comportements de malveillance bien favorisés eux aussi par les algorithmes.
Ce grand mystère originel du déballage généralisé de notre époque montre-t-il des egos exacerbés, de la curiosité malsaine, la nécessité impérieuse de prouver que l'on existe, un besoin de communiquer offert par les outils technologiques ? Un peu tout à la fois certainement pour faire vivre cette formulation virtuelle, " Je stalke, donc je suis ".