L’ART DE TOURNER EN ROND

Vous faites certainement partie de ces millions d’automobilistes qui ont emprunté un certain nombre des environ 600000 ronds-points qui parsèment la France.

UNE SPECIFICITE FRANCAISE

Vous avez bien sûr tempêté contre ces enfilades circulaires, à l’entrée ou à la sortie des villes, en pleine campagne ou n’importe où. De quoi vous faire perdre patience! Raymond Devos qui n’avait pourtant pas encore eu affaire à cette prolifération de ronds-points en perdait déjà les sens, giratoires évidemment. Mais pourquoi un tel engouement peut-on se demander? A cause du concept imaginé par un urbaniste français, Eugène Hénard, qui a conçu l’aménagement de la place de l’Etoile en 1906 pour limiter les accidents hippomobiles. Loin de moi de nier l’utilité de ces aménagements pour la circulation automobile mais là n’est pas mon propos.

Paradoxe, la France, qui n’est pas vraiment reconnue pour la rondeur de ses rapports sociaux ou autres, excelle dans le domaine de l’arrondi. Championne du monde des ronds-points mais n’oublions pas aussi championne du monde du ballon rond ou du nucléaire ( avec des bâtiments réacteurs de forme circulaire ).

EN RESTER COMME DEUX RONDS DE FLAN

Commençons par un petit jeu. Vous devrez trouver quelle ville se cache derrière ces oeuvres d’art.

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A. Montpellier. B. Châtellerault. C. Pontarlier. D. Villeurbanne. E. Saint- Amand-les-Eaux. (il y a des indices dans les photos! )

Même si la plupart de nos ronds-points sont agréablement végétalisés ou ornés pour répondre aux besoins des municipalités d’embellir leurs entrées ou sorties de ville, certains n’ont pas contribué à remettre l’église au coeur du village tant par leur laideur que leurs coûts. En effet, il en a fallu des “ ronds “ pour financer ces installations, de 300 000 à 800 000 euros suivant le modèle, soit environ 4 à 5 milliards par an dont une partie consacrée à leur décoration. Certaines polémiques sont nées au sujet de ce gaspillage de l’argent public, vu que l’aménagement de ces infrastructures est payé par le contribuable. Mais plus fort encore après les doubles ronds-points la ville de Nantes a imaginé le tridecuple rond-point. Je vous laisse imaginer l’enthousiasme du BTP et des artistes qui trouvent dans ces réalisation des débouchés intéressants, sans parler du bonheur des automobilistes.

POINT DE VUE DEPUIS LE ROND-POINT

Campés sur les ronds-points, les gilets jaunes ,à l’image de la couleur de leurs gilets, ont occupé une position héliocentrique. Tels des planètes, les automobilistes leur ont tourné autour comme l’a fait l’actualité pendant des mois. Même s’ils ont contribué avec leurs installations éphémères à… décorer gratuitement nos giratoires, ils ont donné à ces structures un double sens, à la fois repli sur soi et espace public au sens politique du terme. Et ils ont été bien évidemment catalogués par le gouvernement et certains de nos concitoyens comme de vrais empêcheurs de tourner en rond.

LE ROND-POINT COMME METAPHORE

Petite Terre minuscule, le rond-point peut être vu comme un symbole des comportements humains. Ceux qui choisissent de continuer à avancer, en somme d’aller tout droit malgré l’arrondi, comme s’ils avançaient vers un avenir assuré. Ceux qui préfèrent revenir à leur point de départ, se tournant plus vers un passé fantasmé, source de réconfort . Ceux qui qui choisissent les chemins détournées, en général la première à droite, pour explorer différentes voies. Enfin ceux qui vont tourner en rond, incapables de sortir de leurs obsessions et de changer leur mode de pensée. La sphère politique nous offre de beaux portraits pour chacun de ces comportements.

Mais revenons à du concret et à l’agacement de notre point de départ avec ce slogan bien connu de tous, un rond-point çà va mais trois bonjour les dégâts.