FAUT - IL CHANGER L’EAU DES FLEURS ?
Au risque de me faire détester de ceux qui ont placé le livre de Valérie Perrin parmi les vingt-cinq livres favoris des français en 2022, j’ai vraiment envie, après l’avoir lu en ce début d’année (en retard par rapport à sa parution en 2018), de changer “l’eau des fleurs” car je la trouve un peu trouble cette eau. Au risque de me faire traiter de coeur de pierre, cette sainte Violette (tiens une fleur ) malmenée en permanence dès sa naissance, abandonnée, illettrée, mal mariée, méprisée, maman orpheline de son enfant, mais d’un altruisme indéracinable dans son rôle de gardienne de cimetière, me laisse un peu perplexe quant à la finesse et à la richesse psychologique du personnage. Elle est bien accompagnée, dans les poncifs sexistes, par des rôles féminins peu nuancés eux aussi. Des femmes victimes plus ou moins consentantes d’un désir masculin violent, des femmes maîtresses( pour les plus jeunes qui ne connaissent peut-être pas le sens de ce terme vieilli, amantes d’un homme marié ) telle Irène, des femmes amoureuses envers et contre tout qui ne se réalisent que dans l’amour d’un homme, sans oublier la garce de service, Chantal la belle-mère ou Geneviève, la femme “chienne”, voilà un bel échantillonnage de femmes du XXIème siècle. Rajoutons encore une lady Chatterley, la comtesse de Darrieux, dont “les doigts n’ont jamais pué la cuisine”, ce que les hommes apprécient particulièrement. En somme j’ai eu l’impression de me retrouver dans l’univers d’un film en noir et blanc ( finalement bien en adéquation avec le cimetière) des années 50. Et ce ne sont pas les autres personnages qui vont nuancer cette impression.
Au risque d’ en rajouter, évoquons la galerie des personnages masculins qui s’enrichit de protagonistes encore plus stéréotypés. Le trio des fossoyeurs avec Gaston qui tombe tout le temps, même dans les tombes, Nono qui ressemble à Brassens et Elvis qui chante à longueur de journée des chansons… d ‘Elvis d’où son surnom, la coupe du cliché des braves gars, pas trop malins mais avec le coeur sur la main, se remplit largement. Le commissaire Julien Seul, grâce à qui Violette va retrouver “la vie devant elle”, ( happy end après des tonnes de malheurs ) porte bien son nom puisqu’il est en effet seul. Il y a aussi Sasha, l’ homo de service, bien sûr un composé de délicatesse, et puis il y a Philippe Toussaint ( encore un nom de cimetière ), Le mari bien sûr très beau, gracieux et sensuel, mais fainéant, coureur de jupons, toujours parti faire un tour sur sa moto ou à jouer aux jeux vidéo, capable de violence sexuelle, mais un peu moins taillé à la serpe cependant après la mort de leur fille.
Et puis il y a le cimetière de Brancion-en-Chalon, petit bourg bourguignon imaginaire, qui semble d’une taille démesurée, mais à raison, car l’on meurt en grand nombre et souvent pas très âgés dans cette bourgade, à croire que l’air n’y est pas très bon. Et puis il y a les morts, et les vivants avec le défilé des veuves, veufs, parents et amis qui hantent ce cimetière pour en faire un des plus fréquentés de la région.
Et puis il y a ce style toujours en recherche d’une métaphore, d’une trouvaille dans les images, d’une phrase finalement facile, pour toucher son lecteur ou le plonger dans des émotions trop souvent fleurs… bleues. Le Notre Père retouché par un Philippe Toussaint adolescent est un exemple criant d’une autrice trop beau parleur. Ce style qui, combiné à l’intrigue, a pour but d’exacerber les émotions et bouleverser les Margots que nous pouvons être.
Au risque de déprécier ma critique, je suis tout de même allée au bout de ces 664 pages. Me serais-je laissée prendre par cette petite musique et ses personnages un peu hors du temps, par ses rires et ses larmes, par la construction certes un peu répétitive du roman ( me voilà de nouveau à faire ma langue de vipère ), ou par une intrigue et une enquête un peu ennuyeuse (encore..) ? Ou bien souffrirais-je d'un masochisme littéraire ou d'un syndrome de Stockholm qui m'a fait apprécier ma captivité, bien orchestrée par Valérie Perrin. Alors faut-il changer l'eau des fleurs? Peu importe, ce qui est essentiel, c'est de lire.