DE L’EAU DANS LE GAZ DE LA BALTIQUE
Une inquiétude suédoise
Les 1224 kilomètres du gazoduc Nord Stream 1 relient depuis le fond de la mer Baltique, sans traverser aucun pays, la baie de Portovaya sur la côte russe à Greifswald sur la côte allemande. En service depuis 2011, il a alimenté l’Allemagne, puis le Danemark, les Pays Bas, la Belgique, le Royaume Uni et la France.
Sans pénétrer dans les eaux territoriales de la Suède, dont la seule frontière avec la Russie est maritime, le gazoduc passe à proximité de l’île de Gotland, connue pour ses plages blanches et ses sites naturels. D’où l’opposition de beaucoup de Suédois à cette réalisation du fait de ses risques sur le plan écologique mais aussi sécuritaire, les services secrets russes pouvant profiter de cette installation pour espionner les côtes suédoises et ce grâce ,en plus, à la construction d’une plateforme de service au large de l’île avec la mise en place d’ équipes permanentes. Quant à Nord Steam 2 dont la construction s’est achevée fin 2021, nul ne sait, et ce d’autant plus en fonction des événements actuels, quand mais surtout s’il entrera un jour en service.
Le rysskräck ou la peur des russes
Déjà, entre 1700et 1721, la Suède de Charles XII s’oppose à la Russie de Pierre le Grand avec pour conséquence le déclin du pays scandinave et un accroissement de la puissance russe en Europe de l’Est. Au XVIIIème siècle, de 1741 à 1743, naissance d’ un nouveau conflit entre les deux états avec la guerre des chapeaux. Brève mais intense, elle marque un nouvel affaiblissement de la Suède et le renforcement de la prédominance de la Russie autour de la mer Baltique.
Durant la première et deuxième guerre mondiale, la Suède adopte une position de neutralité même si elle apporte un soutien militaire et moral à la Finlande lors de la tentative d’invasion soviétique de 39-40. Au cours de la guerre froide, le pays continuera à être neutre et choisira de n’appartenir à aucun traité d’alliance quand bien même elle adhère à l’Union Européenne en 1995 après la chute du mur de Berlin.
Un bastion russe en mer Baltique : Kaliningrad
Kaliningrad est une ville de Russie située dans une enclave à la frontière de la Pologne et de la Lituanie. L’oblast totalement isolé de la Fédération de Russie a une population d’environ un million d’habitants, d’origine russe à 80%. La région, totalement fermée aux étrangers et même à la plupart des soviétiques, offre le seul port libre de glace toute l’année sur la mer Baltique. Aussi abrite-t-elle le quartier général de la Flotte de cette mer quasiment fermée, deux bases aériennes équipées de missiles balistiques Iskander, utilisés en ce moment même en Ukraine. Bien que de moyenne portée, ils représentent déjà une menace pour les Etats baltes et la Pologne, membres de l’OTAN. Quant au missile hypersonique Kinjal d’une portée de 2000 kilomètres, il serait présent également dans l’enclave grâce à l’arrivée d’un chasseur MIg-31K porteur de ces engins.
Un changement stratégique
Après l’annexion de la Crimée, la Suède qui s’était désarmée, ne consacrant que 1% de son PIB aux dépenses militaires, a amorcé une remilitarisation. Après quelques incursion russes dans l’espace maritime et aérien de la Suède et des cyber-attaques en 2016, le pays a complètement pris conscience de sa position stratégique clé dans la mer Baltique en équipant par exemple l’île de Gotland de quatre batteries de système anti-missiles Patriot et de chars.
Face à l’invasion de l’Ukraine, un projet a été présenté début mars pour accélérer un réinvestissement financier dans l’armée pour atteindre 2 % du PIB, avec la création de cinq régiments, d’une nouvelle escadre aérienne, le recrutement de 30 000 soldats ainsi que le renforcement de la cyberdéfense. Depuis 2018 déjà le service militaire est redevenu obligatoire. Et un vaste exercice de sécurité nationale simulant l’invasion du pays par “ une grande puissance étrangère “ a été organisé.
Même si l’opinion semble désormais en faveur d’une adhésion du pays à l’OTAN, le gouvernement suédois a écarté cette option pour ne pas déstabiliser le nord de l’Europe. La Suède a cependant renforcé ses partenariats occidentaux, membres de l’OTAN et de l’UE, et pays nordiques. Le pays ne resterait pas neutre en cas d’attaque contre un pays nordique ou un autre état membre de l’UE. Elle participe à des exercices militaires et a renforcé ses liens avec l’Alliance Atlantique avec un statut de partenaire, participant au processus de travail de l’OTAN.
Comment a-t-on pu entraîner une nation plutôt pacifique dans cette voie plus militaire même si elle reste encore très raisonnable ? La réponse est à l’heure actuelle dans les exactions de Vladimir Poutine et ses désirs d’hégémonie et, pour y parvenir, de destruction massive. Mais la paix dans cette région du monde face aux agressions du voisin russe passe certainement par une attitude plus ferme et engagée.